Octobre rose : le rose dans les vitraux de la cathédrale de Chartres
Le rose omniprésent
Octobre est rose. Le ruban s’accroche aux vestes, fleurit dans les vitrines et s’invite dans les rues comme une couleur de solidarité et d’espérance. Pourtant, ce rose qui semble aller de soi est une invention récente. Michel Pastoureau, historien des couleurs, aime à le rappeler : le rose est une couleur tardive. Longtemps, on n’en parlait même pas. Dans l’Antiquité, il n’existait pas comme teinte à part entière : c’était un simple dérivé du rouge, parfois rapproché de la chair. Le mot apparaît au 12e siècle, mais ce n’est qu’au 14e que l’on commence à désigner le « rose » comme une couleur autonome.


Un bestiaire étonnant !
Pourtant, si le rose met du temps à s’imposer dans le langage et dans les tissus, il trouve très vite sa place dans un domaine inattendu : le vitrail. Car au Moyen Âge, une contrainte technique s’impose aux maîtres-verriers. Le gris, perçu comme une « non-couleur », ne faisait pas partie de leur palette. Trop terne, il ne laissait pas passer la lumière, et la technique du jaune d’argent, qui donne une teinte lumineuse, n’était pas encore connue. Pour les détails, on recourra plus tard au dessin à la grisaille, à base d’oxydes, mais dans les grandes verrières des 12e et 13e siècles, le gris n’existe pas encore en tant que tel. Alors, pour représenter les animaux au pelage grisâtre, il fallait inventer une solution lumineuse : le rose. Et ce rose, pour tout dire, crée de merveilleux contrastes : il se détache sur le bleu, éclaire le rouge, et apporte sa propre lumière.
C’est ainsi qu’à Chartres, on découvre tout un bestiaire inattendu aux couleurs surprenantes. Dans le vitrail de Noé, l’éléphant est rose, et le vautour également. Dans la verrière du zodiaque ou celle de saint Thomas, ce sont des lions aux pelages rosés qui apparaissent. Le cheval de Charlemagne lui-même arbore un poil rose, et jusque dans le zodiaque, poissons et taureau se parent de teintes rosées. Rien d’absurde aux yeux des verriers : le vitrail n’est pas là pour reproduire la nature, mais pour la transfigurer. La lumière dicte ses propres règles, et le rose, plus lisible et plus éclatant que le gris, remplissait ce rôle à merveille.
Une couleur qui a évolué
Le rose médiéval n’était donc pas la couleur « sucrée » que nous associons aujourd’hui à l’enfance ou aux poupées. Il était un choix d’artisans, une trouvaille esthétique, presque un défi technique. Pastoureau souligne d’ailleurs que cette couleur a toujours occupé une place ambiguë : ni rouge ni blanc, ni éclat violent ni pureté immaculée. Le rose est une couleur d’entre-deux. En liturgie, il n’apparaît que deux fois par an : au dimanche de Gaudete (3e dimanche de l’Avent) et au dimanche de Laetare (au cœur du Carême), petites pauses de joie dans des temps de pénitence. Ce n’est qu’au 20e siècle, sous l’effet de la mode et du marketing, qu’il s’est vu assigné au monde féminin.


Ad Vitam aux couleurs d’octobre rose
Aujourd’hui encore, le rose garde ce paradoxe. Il est doux et fort, discret et éclatant, fragile et combatif. C’est ce qui en fait une couleur idéale pour Octobre Rose : elle porte en elle l’espoir, la vie, la lumière. Et, clin d’œil final, c’est aussi la couleur que nous avons choisie, nous, Ad Vitam, pour signer nos aventures guidées. Un rose lumineux, héritier des vitraux et des histoires, qui continue de nous accompagner sur les chemins de mémoire.
Les Drôles de Dames vous souhaitent un bel Octobre rose.

Prochaine visite sur la symbolique des couleurs
Dimanche 1er février 2026
Au-delà de l’observation, cette visite vous invite au déchiffrage… où vous en apprendrez plus sur le rose bien sûr, mais aussi sur les autres couleurs.
Que signifient ces figures ? Pourquoi ces couleurs ? Quel rôle jouent-elles dans la lecture de l’édifice ? Les blasons des évêques, les motifs des clés de voûte ou les scènes sculptées deviennent autant de signes à interpréter. Et les vitraux, les plus anciens et les plus nombreux conservés au monde, ne sont pas qu’un feu d’artifice de lumière : ils racontent, enseignent, codent. Le bleu de Chartres, le rouge flamboyant, les compositions chromatiques savamment ordonnées, tout concourt à transmettre un message à la fois spirituel et politique.
Autres suggestions de découvertes

Les tertres à Chartres : une balade entre deux mondes

Les chevaliers dans la cathédrale de Chartres : un univers médiéval à découvrir

Les livres dans les représentations de la cathédrale de Chartres

Découverte eurélienne : l’abbaye Saint-Florentin à Bonneval

Visite autour du costume et du vêtement au château de Maintenon

Octobre rose : découvrez le rose dans les verrières de la cathédrale de Chartres

Sourires dans la cathédrale de Chartres : la reine de Saba et autres statues
