AD-VITAM

Voyages au coeur des abbayes bénédictines en Eure-et-Loir

Quand la mémoire devient paysage

Aimer l’histoire, c’est laisser le regard s’ouvrir autrement, c’est se laisser toucher par la mémoire qui palpite derrière chaque pierre. Dans nos préparations de visites, nous marchons bien souvent les yeux grands ouvertes, le souffle retenu et le cœur offert aux murmures du passé. Les murs, les cloîtres, les jardins ne sont plus de simples décors : ils deviennent nos compagnons silencieux, témoins des vies effacées qui ont façonné l’Eure-et-Loir.
Et voilà… qu’au détour de nos préparations de programmes, nous découvrons la présence forte d’un ordre monastique dans notre belle région : les Bénédictins. S’il est vrai que cet ordre fondé au 6e siècle utilise la maxime « Ora et Labora » (prie et travaille), cela ne l’a pas empêché de se développer et de connaître une véritable puissance dans tout le royaume. Au 11e siècle, accrochez vous bien, on comptait environ 1450 établissements religieux appartenant à cet ordre. Et notre département n’était pas en reste !

Notre-Dame de Josaphat (Beata Maria de Josaphat)

Parmi ces sanctuaires, l’abbaye Notre-Dame de Josaphat à Lèves s’offre comme un écrin singulier. Fondée en 1117 par l’évêque Geoffroy de Lèves et son frère Gauslin, elle porte en elle le mystère d’un nom venu de la Terre Sainte, sur le chemin des pèlerins de Compostelle. Ici, les pierres ont prié, enseigné, influencé les âmes et veillé sur les évêques de Chartres au XIIe siècle. Je m’attarde devant le tombeau de Jean de Salisbury, philosophe anglais et ami de Thomas Becket, dont la présence semble encore emplir le lieu d’une sagesse silencieuse.

Josaphat fut aussi une halte pour les souffrants, venus boire à la fontaine de la chapelle Notre-Dame, espérant apaisement des maux pulmonaires. La Sainte Couronne d’épines elle-même y fit escale en 1328, auréolant le site d’une aura sacrée. Les Anglais, les troupes protestantes ont ravagé le sanctuaire, mais la ferveur des Mauristes du XVIIe siècle l’a ramené à la vie : bibliothèques, capitules, jardins et vergers ont redonné souffle et beauté à Josaphat.

Aujourd’hui, il ne subsiste qu’un fragment du chœur, quelques pierres précieuses déposées là, et le cloître venu de Coulombs. Le site, vivant sous la Fondation d’Aligre et Marie-Thérèse, s’anime lors des Journées du Patrimoine, invitant chacun à déambuler et à s’imprégner du silence habité des lieux… N’hésitez pas à venir : j’y serai pour l’occasion.

De Thiron-Gardais à Chartres en passant par Bonneval

Mais l’histoire bénédictine de l’Eure-et-Loir est un fleuve aux multiples affluents. À Thiron-Gardais, l’abbaye née en 1114 enfanta un ordre qui fit rayonner sa lumière jusqu’en Écosse et en Irlande. Cet ordre de Tiron (sans H pour le monastère !) rival des clunisiens de Saint Denis de Nogent le Rotrou connut cependant un déclin dès la fin du 12e siècle… en fait, nos moines s’étaient quelque peu éloignés de leur rigueur initiale et étaient décrits dans le Roman de Renart comme grassouillets (gras comme un moine de Tiron !).

 Bonneval, l’abbaye Saint-Florentin, veille sur la Beauce depuis le IXe siècle, ses douves protégeant pèlerins et voyageurs. A Chartres, l’ancienne abbaye de Saint-Père-en-Vallée, devenue l’église Saint-Pierre, mêle la puissance des volumes romans avec son clocher porche à la légèreté gothique. Fondée au haut Moyen Âge par Bathilde épouse de Clovis II, ruinée par les Normands puis relevée au Xe siècle, elle adopte la règle bénédictine et rayonne sur un vaste réseau de prieurés. Haut lieu spirituel et intellectuel, elle forma pendant des siècles des générations de clercs. En poussant sa porte aujourd’hui, on retrouve cette alliance rare entre la pierre, la prière et le savoir.

Coulombs, née au VIIIe siècle et disparue au XIXe, a vu son cloître voyager, sauvé comme une mémoire vivante à Josaphat. Nottonville et Saint-Avit à Châteaudun, plus secrets, n’ont pas moins marqué la ferveur religieuse : de Saint-Avit sont venus des trésors pour la cathédrale, chefs-d’œuvre d’orfèvrerie liturgique.

Découvrez !

Idées de visites !

Une autre manière de découvrir l’histoire… de redonner vie à des lieux.

Ces abbayes ne se sont pas figées dans l’oubli : elles attendent, respirent, appellent. Il suffit d’oser franchir une porte, de longer une muraille, d’imaginer le bruit feutré des sandales dans le cloître, les voix qui montent à l’office.
Les guides d’Ad Vitam aiment y emmener les visiteurs, redonnant à chaque pierre la chaleur d’une histoire retrouvée, afin que le silence d’aujourd’hui fasse vibrer la vie d’hier.

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